Le public cible

Est-ce que le public cible possède des caractéristiques particulières dont on doit tenir compte dans le choix des activités de TUC?

Il ne faut pas oublier que les activités de TUC s’adressent d’abord et avant tout à des êtres humains, le public cible. Il est donc essentiel de prendre en compte leurs besoins et leurs caractéristiques afin d’y arrimer les activités. Ainsi, avant de choisir une activité de TUC il faut, entre autres, considérer les cinq caractéristiques suivantes : (1) l’étendue du public cible, soit le nombre de personnes qui seront appelées à utiliser les connaissances transférées; (2) la dispersion du public cible (dispersion au niveau des lieux de travail, des quarts de travail, etc.); (3) la composition du public cible (4) le niveau de formation du public cible; (5) ainsi que la motivation du public cible. En bref, le public cible est le futur utilisateur des connaissances transmises. Il est essentiel qu’il soit au cœur de vos préoccupations et des décisions. La meilleure façon de s’en assurer est d’aller sur le terrain, de rencontrer le public cible et de discuter avec lui.

 

Exemple d’une étude de cas - Caractéristiques du public cible et du terrain

 « On a été très à l’écoute du terrain, un terrain qu’on connaissait déjà assez bien, parce qu’on était débarqué dans les années précédentes pour faire notre étude sur les déterminants de l’utilisation de cette technique. Dans ces déterminants-là, ce n’était pas juste les caractéristiques des personnes, c’était les caractéristiques des unités, c’était aussi des marqueurs comme le niveau d’épuisement chez le personnel, l’engagement, le type d’administration, la dynamique des unités de soins. Donc, on avait un portrait relativement complet de l’environnement du milieu. Je pense qu’on s’est beaucoup inspiré de ces informations-là pour planifier la suite des choses. »

L’étendue, la dispersion, la composition et le niveau de formation du public cible

Tout d’abord, il importe de considérer le nombre de personnes qui seront appelées à utiliser les connaissances transférées, c’est-à-dire l’étendue du public cible. Certaines activités sont plus propices aux grands groupes (par ex. des activités de dissémination telles que la formation, les colloques, les rapports de recherche), alors que d’autres visent un nombre plus restreint de personnes (par ex. : les groupes de codéveloppement, la supervision clinique, etc.). Par-delà cette information, le choix des activités de TUC et leur implantation seront aussi tributaires de la dispersion géographique et temporelle du public cible.

Un troisième élément à prendre en compte est la composition du public cible. Celui-ci est-il relativement homogène (par ex. : il est composé exclusivement de gestionnaires attitrés à un service spécifique) ou est-il plutôt très hétérogène? Chaque type d’emploi a ses particularités et rassemble des professionnels qui partagent des caractéristiques communes. Chacun exerce des fonctions spécifiques dans le cadre de sa tâche au sein de l’organisation. L’exercice de ces fonctions commande l’acquisition de connaissances et de compétences spécifiques. Il est important de connaitre ces particularités et ces caractéristiques, et d’en tenir compte lors du choix des activités de TUC (et lors du choix des connaissances à transférer). On doit prendre en considération le niveau d’arrimage entre la connaissance transmise et les besoins du public cible. Il s’agit également de rendre la démarche d’implantation crédible, notamment par le choix de sources d’expertise crédibles auprès du public cible pour transmettre les nouvelles connaissances.

Finalement, le niveau de formation peut également être différent selon le type d’emploi occupé. Le niveau de formation réfère à l’expertise du public cible, aux connaissances déjà acquises, notamment dans le cadre des études, mais aussi par l’expérience de travail et les formations continues. Le niveau de formation et les connaissances antérieures permettent de juger de l’écart entre les connaissances du public cible et celles proposées dans le cadre des activités de TUC. Cet exercice permet aussi d’adapter le vocabulaire à employer (niveau de littératie) lors de ces activités. Ces informations seront aussi utiles afin de guider des choix pédagogiques et pour planifier l’implantation de vos différentes activités de TUC.

Exemple d’une étude de cas - Dispersion du public cible

« Il y avait ces intervenants-là qui sont en intervention directe et qui avaient vraiment moins accès aux formations. Ils ne pouvaient pas se déplacer pour assister aux activités ni se faire remplacer. Cela a nécessité de penser à autre chose, à d’autres moyens pour ceux qui ont moins de flexibilité. Ceci a passé par des activités accessibles directement sur les lieux, du coaching, de la documentation sur Intranet et les vidéo-conférences. »

Exemple d’une étude de cas - Crédibilité auprès du public cible

« Celle qui donnait la formation était extrêmement crédible. Tout le monde la connait, on sait qu’elle sait de quoi elle parle parce que ça fait 25 ans qu’elle travaille dans le milieu. Elle sait comment amener les choses de façon pertinente selon notre réalité, parce qu’elle connait notre réalité. Alors j’ai l’impression que ça l’a vraiment aidé à faire passer cette idée, même pour ceux qui n’étaient pas d’accord au début. Si c’est elle qui le dit, bien c’est que ça doit avoir du sens. »

Exemple d’une étude de cas - Niveau de formation

« Il y a une variabilité individuelle. Les gestionnaires qui ont plus l’habitude de travailler avec des connaissances scientifiques vont avoir plus de facilité à sélectionner les mécanismes pertinents, à comprendre leur portée. Je prends souvent l’image de l’infusion. Il faut que ça sature avant qu’une personne puisse réellement voir des retombées dans sa pratique. Ceux qui ont plus l’habitude, ils saturent plus vite, donc les retombées arrivent plus rapidement. »

La motivation du public cible

À quel point le public cible est-il motivé à acquérir de nouvelles connaissances ou à participer à une activité TUC? Qu’est-ce qui le motive?

Le public cible à qui s’adresse la nouvelle connaissance est-il réceptif à la nouveauté introduite? Cette dimension du public cible doit être prise en considération pour que le message puisse être effectif. Dans le cas contraire, un travail préalable peut être à prévoir afin d’améliorer la réceptivité du public cible à l’introduction de nouvelles connaissances. La stratégie peut s’adapter pour travailler cette composante. La motivation peut être conceptualisée en termes de quantité (plus ou moins motivé), mais aussi en termes de qualité (nature de la motivation). Évidemment, pour qu’une connaissance transférée soit utilisée par le public cible, celui-ci doit être minimalement motivé par celle-ci et par le processus. Pour maximiser le TUC auprès des individus, nous suggérons de faciliter le développement d’une motivation autodéterminée (versus contrôlée) chez le public cible.

Les individus qui ont une motivation autodéterminée agissent parce qu’ils considèrent important d'agir ainsi, parce que ce comportement s’accorde bien à leurs valeurs, ou parce qu’ils ont du plaisir à agir ainsi. Par exemple, un travailleur social pourrait être autodéterminé à adopter la nouvelle connaissance à transférer parce qu’il aime bonifier et améliorer sa pratique professionnelle ou parce qu’il trouve important de se mettre à jour et d’utiliser les meilleures connaissances disponibles. Cela correspond à des valeurs personnelles.

Si, par opposition, le public cible est motivé de façon contrôlée, c’est-à-dire s’il se sent soit obligé de faire un comportement parce qu’il sera réprimandé ou qu’il ressentira de la culpabilité s’il ne le fait pas, ou parce qu’il obtiendra une promotion ou une récompense s’il le fait, le projet de TUC aura au mieux un effet à moyen terme tant que les contingences seront présentes. Par ailleurs, ce type de motivation peut amener un certain niveau de mal-être et « d’aliénation » chez l’individu. Il est donc important de réfléchir à la motivation qui habite le public cible. Si celui-ci ne sait pas pourquoi il acquerrait ou utiliserait la connaissance transmise (amotivation), le projet de TUC n’aura que très peu d’effets, voire aucun.

Finalement, la motivation autodéterminée doit être maintenue au travers des différentes étapes du projet. En d’autres termes, il faut l’alimenter en rappelant les besoins du public cible que le projet tente de combler et en impliquant les personnes visées tout au long du processus de TUC.

Exemple d’une étude de cas - Motivation autodéterminée

« Dans ce projet, c’était les cliniciens et les éducateurs qui étaient les porteurs et les multiplicateurs des nouvelles pratiques et façons de faire que l’on voulait implanter. Ils étaient motivés et croyaient vraiment aux retombées possibles. C’était facile à vendre comme projet, parce que tout le monde veut faire mieux dans notre contexte de travail. Donc, il y a quelque chose par rapport à la nature du contexte dans lequel on travaille qui est venu faciliter tout le processus.»

Exemple d’une étude de cas - Motivation contrôlée

« On s’est demandé si c’était vraiment avantageux d’exiger que tous participent aux activités de transfert. Selon moi, pas nécessairement. Ce n’est peut-être pas une si bonne idée d’obliger que le monde assiste à des activités de transfert des connaissances, puisque si le monde ne veut pas y être, ces activités ne seront peut-être pas bien reçues. Et c’est sans compter tous ceux qui n’écouteront tout simplement pas parce qu’ils seront en réaction d’avoir été obligés d’y assister. »

Exemple d’une étude de cas - Motivation à long terme

« Mais là c'était comme [soupir], ça s'est comme perdu dans la brume un peu, jusqu'à temps qu'eux reviennent et que ce soit : “OK, là, il faut faire la formation.”. Ça faisait au-dessus de deux ans qu’on disait qu’on était pour implanter la formation et qu’on ne le faisait pas, alors la motivation, elle, elle diminue. »

Pour nous citer: 

Chaire d'étude sur l'application des connaissances dans le domaine des jeunes et de familles en difficulté (2015). "Le public-cible". SACO - Stratégies de transfert et d'utilisation des connaissances. Montréal : Chaire CJM-IU-UQAM d’étude sur l’application des connaissances dans le domaine des jeunes et des familles en difficulté. En ligne : http://www.saco.uqam.ca/demarche/analyser/public-cible (consulté le xx/xx/xxxx).